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Cassandra Sirigatti

En novembre 2020, j'ai eu l'immense privilège de partir en stage pendant 1 mois chez Ninya Mikhaila du Tudor Tailor à Nottingham au Royaume-Uni. Ce fut une fantastique immersion dans les costumes et la couture du XVIème siècle. Pour la première fois, j'ai pu faire de la recherche avec des sources historiques et j'ai appris beaucoup de choses sur les tissus, la couture, l'histoire et les lois somptuaires du 16ème siècle.


Sur le chemin du retour, j'ai passé une journée à Londres, car je voulais absolument voir les vêtements historiques au musée Victoria et Albert. En particulier, j'avais prévu de passer plusieurs heures dans les expositions sur le XVIe et le XVIIe siècle, et j'ai pu tout examiner en détail. Étonnamment, la pièce qui m'a le plus enthousiasmée était une sculpture en marbre. Il s'agit du buste de Cassandra Sirigatti, une noble vénitienne, datant de 1578.


Voici la description du buste sur le site web du V & A :


Cassandra Sirigatti

1578


Ridolfo Sirigatti carved the portrait of his mother, Cassandra, dressed in rich materials. Though her fold-down collar is relatively simple for the time, her dress appears to be made of brocade in the pomegranate pattern popular in Florence. She wears a widow’s veil in commemoration of her husband. In his treatise Il Riposo the writer Raffaele Borghini described the veil as 'a wonderful thing, so delicately worked that one can see the light through it'.

This bust is a rare example of Ridolfo Sirigatti's activity as a sculptor (active ca. 1570-1600). Together with its companion piece, depicting Niccolò Sirigatti (A.12-1961), it shows high technical skill and an unusual and original style in comparison with Florentine contemporary sculpture. The peculiar disposition of the shoulders in both busts, with the right one pulled slightly back from the rest of the figure, and the left pushed slightly forward, shows the artist's intention to give an impression of movement. The bust of the artist's mother displays a finer and more mature rendering of the marble, which is likely related to its later dating (two years after the father's portrait). Specifically, the handling of the veil seems to anticipate Roman 17th century sculpture.

Historical context note:

In his own day Ridolfo Sirigatti seems to have been regarded as a sculptor of considerable eminence. The son of a rich textile merchant and of Cassandra, daughter of the painter Ridolfo Ghirlandaio, Ridolfo continued his father's mercantile activity and brought fame to his family by becoming a Knight of Santo Stefano (the order instituted by Grand-Duke Cosimo I de Medici) in 1581. He was also very interested in the arts and practised sculpture. Before the discovery of the present bust and its pendant in 1961, his only documented work was a bust of grand-duke Francesco I in a niche of the façade of the Palazzo dei Cavalieri di Santo Stefano in Pisa (Sirigatti only provided the model for the bust). He features as one of the four protagonists in Raffaele Borghini's art treatise Il Riposo (1584), as an art expert and collector. The bust can be identified with the marble head of "his (Sirigatti's) mother, which enables us to see her as though she were alive" mentioned in the dialogue between Ridolfo and the collector Bernardo Vecchietti. Borghini praised this bust not only for its likeness, but also for a detail which he noted with admiration: "A wonderful thing about it is a most delicate veil, which he has placed on her head. It falls down on her shoulders and is carved free of the neck the whole way round, and it is so diligently worked that one can see the light through it." It is inscribed with the sitter's name and the date on the socle (CASSANDRA GRILLA[N]DARIA NICOLAO SIRIGATTIO NVPTA MDLXXVIII). On the back there is another inscription, a dedication in which presents the bust as a tribute from Sirigatti to his mother: QVEM GENVI RODVLPHVS ANIMI CAVSA CAELAVIT (Ridolfo, whom I bore, sculpted this as a tribute of love).


Pour moi, ce qui me fascine, c'est le niveau de détail dans les formes: on comprend la coupe et l'assemblage des tissus et on peut deviner certains aspects de la structure. Voici les points que j'ai notés :



La taille est formée en pointe à l'avant, et assortie d'une ceinture nouée. On peut voir des plis dans la partie inférieure du corsage. Ces plis ainsi que la forme du corsage me font penser qu'il est rigidifié avec du canevas, mais pas baleiné.


On peut aussi voir la texture du tissu, qui semble avoir un motif tissé. Il est possible qu'il était tissé avec des fils d'or ou d'argent.


La jupe est plissée sur les cotés mais pas sur le devant.









On peut voir que le corsage se ferme avec un lacage en spirale sur le coté et vers l'arrière. Il semble que le tissu n'est pas le même sur la pièce de dos, mais peut-être n'est-ce que le fait que le travail de sculpture n'est pas terminé sur cette pièce.









Le voile est fixé avec une épingle ! C'est génial de voir que l'artiste a sculpté un détail aussi petit et fin. Aussi, on peut commencer à appréhender le pliage du voile pour réunir tout le bord au niveau de l'épingle. Enfin, il semble que le bord inférieur du voile est surfilé: les points ont été sculptés.


On peut aussi bien voir le coin du décolleté du corsage, un angle droit typique de la mode de l'époque.









La manche comprend 5 parties: le premier passe-poil en créneaux, la mini manche bouffante, le deuxième passe-poil, un bord de manche aussi en créneaux, et enfin la manche a proprement parler. Il semble que cette dernière est froncée a l'emmanchure, et cousue en haut de la bande de bord ou peut-être même encore plus haut.










Dans les portraits en peinture de cette époque, on voit rarement la forme de la poitrine, encore moins au niveau du décolleté, mais ici, on la voit clairement, même si ça reste tout à fait modeste. On voit aussi une 3ème couche,la plus proche de la peau, qui est probablement la chemise en lin blanc.













The col froncé qu'on voit dans la photo est attaché à la pelerine, qui est une sous-couche en lin blanc fin qui couvre la gorge. On peut voir la finesse des fronces et l'effet amidonné de leur mouvement.










Il me semble que les traits qui apparaissent sur le voile sont des plis, car ils alternent de forme (creux et arêtes). Il y a d'autres exemples de cela dans les sources historiques: le lin étant un tissu qui froisse très facilement, ils ont tendance à assumer les plis en les marquant très droit et très précisément.


On peut voir aussi qu'elle porte une coiffe sur ses cheveux et sous le voile. Celui-ci est peut-être épinglé sur la coiffe pour faire tenir la partie supérieure.





J'ai adoré pouvoir aller dans un musée voir une confirmation des informations que j'ai apprises grâce à mon stage. C'est amusant de penser que cette oeuvre d'art sculpturale est aussi une reproduction de l'art d'un tailleur anonyme du XVIème siècle et de sa cliente vénitienne. Une forme de mise en abîme de l'art. C'est inspirant !

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